1 Le titre de ce conte sera repris, tout au long de lâarticle, sous la forme abrĂ©gĂ©e de The Masque ... 2 Il sâagit des contes du Club de lâIn-Folio publiĂ©s entre 1833 et 1835 et dont Henri Justin a donnĂ© ... 1Dans le corpus des contes de Poe, "The Masque of the Red Death"1 se prĂ©sente comme lâun des rĂ©cits les plus linĂ©aires dans toute lâacception du terme. DotĂ© dâune structure diĂ©gĂ©tique lisse, ce rĂ©cit relate une anecdote brĂšve et limpide dont le cadre historique indĂ©terminĂ© contribue Ă renforcer, avec une grande efficacitĂ©, lâaspect allĂ©gorique du conte. Or, en matiĂšre dâallĂ©gorie, Poe nâen est pas ici Ă son premier tableau. Parmi les onze contes du dĂ©but de la carriĂšre littĂ©raire de Poe2, il en est plusieurs qui ont Ă©tĂ© Ă©crits dans cette veine dont "King Pest" qui paraĂźt en 1835, soit sept ans avant "The Masque", avec le sous-titre "A Tale Containing an Allegory". 3 La peste â aussi appelĂ©e Yellow Jack â de mĂȘme que le cholĂ©ra firent des ravages surtout Ă Baltimo ... 4 GĂ©rard Genette, Discours du rĂ©cit», Figures III 72. 2Certes, les deux contes sâinspirent directement des souvenirs de la peste qui sĂ©vissait encore au dĂ©but des annĂ©es 1830 sur la cĂŽte est des Etats-Unis3, mais câest bien lĂ lâunique facteur commun de ces deux rĂ©cits dont les visĂ©es profondes sont totalement divergentes. Aux attaques satiriques de "King Pest" dirigĂ©es contre Benjamin Disraeli et son roman Vivian Grey 1826 que Poe parodie Ă outrance en recourant au burlesque le plus dĂ©bridĂ©, sâopposent, dans "The Masque", des considĂ©rations dâune tout autre portĂ©e, qui touchent Ă des domaines aussi variĂ©s, et en apparence aussi Ă©loignĂ©s les uns des autres, que lâart, la temporalitĂ© et la cosmologie. Par ailleurs, si dans "King Pest" lâaspect allĂ©gorique se cantonne dans la sphĂšre de la fable morale, dans "The Masque", en revanche, il acquiert toute son envergure ; et si Poe Ă©prouve le besoin dâĂ©taler la virulence de ses attaques sur une douzaine de pages dans le premier rĂ©cit, dans le second il ne lui en faut que six pour exprimer lâensemble de ses soucis esthĂ©tiques et mĂ©taphysiques. Câest dire Ă quel point lâallĂ©gorie se trouve condensĂ©e dans "The Masque" dont lâefficacitĂ© narratologique repose sur la parfaite coĂŻncidence entre rĂ©cit et histoire ou diĂ©gĂšse, selon la distinction Ă©tablie par Genette4. Les dĂ©tails symboliques de lâhistoire narrĂ©e se conjuguent avec les deux paramĂštres essentiels du rĂ©cit que constituent le temps et lâespace pour donner Ă la texture de "The Masque" une trame extrĂȘmement serrĂ©e sur le plan du signifiant, alors que sur celui du signifiĂ© elle est suffisamment lĂąche pour admettre une interprĂ©tation plurielle. "The Masque" se prĂȘte en effet Ă deux niveaux de lecture essentiels, lâun en suivant lâaxe syntagmatique du rĂ©cit et lâautre en sâĂ©levant le long de lâaxe paradigmatique. Lâinteraction constante de ces deux axes permet Ă ce rĂ©cit, dont les vastes visĂ©es sâaccommodent dâune rare laconicitĂ©, de couvrir trois domaines Ă la fois le domaine de lâesthĂ©tique fourvoyĂ©e par lâinterprĂ©tation perverse quâen donne le hĂ©ros, le domaine existentiel sous-tendu par les rapports intimes qui lient entre eux les deux couples mort/vie et temps/espace, enfin, celui, Ă©minemment Ă©pistĂ©mique, de la cosmologie oĂč la rĂ©flexion poesque, telle un Ă©cho des affirmations dâEureka, rejoint la pensĂ©e orientale, et notamment la tradition bouddhique, Ă travers une eschatologie qui dĂ©bouche sur le centre vide ou le NĂ©ant de lâAbsolu, terme incontournable du microcosme comme du macrocosme. Le bal masquĂ© une esthĂ©tique de la mort La thĂ©matique des masques 3"The Masque" se prĂ©sente sous la forme dâune cĂ©lĂ©bration festive qui nâest autre quâune pĂ©rĂ©grination dans le temps et dans lâespace, au cours de laquelle le hĂ©ros, Prospero â prince au nom Ă©vocateur sur lequel nous reviendrons â et son entourage tentent par tous les moyens de bannir de leur vue et de leur vie toute idĂ©e de maladie, de souffrance et de mort, afin de jouir indĂ©finiment de leurs contraires. Dans le but dâĂ©chapper Ă la peste qui sĂ©vit Ă lâextĂ©rieur, Prospero crĂ©e un monde Ă part et sây enferme avec sa cour comme dans un vĂ©ritable microcosme qui nâen a pas moins conservĂ© du macrocosme ses deux paramĂštres essentiels, Ă savoir le temps et lâespace. Dans cette oasis de paix Prospero sâingĂ©nie Ă organiser un bal masquĂ© dâune grande originalitĂ©, oĂč le bizarre le dispute au luxe cette assemblĂ©e privilĂ©giĂ©e Ă©volue, accompagnĂ©e des accords joyeux dâun orchestre mais aussi du sinistre carillon dâune horloge, Ă travers une sĂ©rie de sept chambres tendues de couleurs diffĂ©rentes, et doit arborer des masques extravagants mais Ă©voquant uniquement le plaisir et la joie de vivre In truth the masquerade license of the night was nearly unlimited. » Mais voilĂ que lâon sâaperçoit tout dâun coup de la prĂ©sence, parmi la foule, dâun masque hors norme, celui de la Mort, entachĂ© de sang et complĂ©tĂ© dâun linceul en guise dâaccoutrement. La farandole se transforme dĂšs lors en une poursuite effrĂ©nĂ©e de la Mort Rouge talonnĂ©e par Prospero qui, parvenu dans la derniĂšre chambre tendue de noir, sâeffondre foudroyĂ© par la vision rapprochĂ©e de la Mort, tandis que ses courtisans, accourus Ă sa rescousse, succombent un Ă un, face Ă lâhorreur de leur dĂ©couverte le masque de la Mort Rouge est un masque sans corps, sans support tangible, vide, untenanted by any tangible form ». 4Il est intĂ©ressant de noter, en tout premier lieu, la distinction quâĂ©tablit ici Poe entre masque et mask. Si le Websterâs International Dictionary dĂ©finit les deux termes masque et mask comme exprimant une danse, une mascarade, une farandole composĂ©e de personnages masquĂ©s, Poe semble nâaccorder cette dĂ©finition quâau seul terme masque, marquant ainsi une nette distinction entre "The Masque" et "The Mask" de la Mort Rouge, le second terme renvoyant uniquement Ă lâidĂ©e de dĂ©guisement, dâaccoutrement. La distinction est dâimportance car la Mort Rouge se trouve ainsi doublement topicalisĂ©e elle mĂšne la danse autant quâelle est masquĂ©e ; elle est, pour ainsi dire, juge et partie car elle participe autant aux rĂ©jouissances du moment quâelle en sera victime, devant disparaĂźtre, elle aussi, au terme de la mascarade. La Mort Rouge prĂ©sente un double statut dont la signification est Ă©loquente passant du statut de lâintrus effacĂ© au dĂ©but des libations â He had come like a thief in the night » â Ă celui de meneur dans la derniĂšre partie du rĂ©cit, elle dĂ©montre ainsi lâomniprĂ©sence et lâomnipotence du mal que lâon croyait avoir Ă©radiquĂ©. Le fait que Prospero est Ă©galement omniprĂ©sent dans le rĂ©cit signale une thĂ©matisation partagĂ©e la Mort Rouge et le Prince sont tous deux maĂźtres des lieux, tous deux protagonistes dâune mĂȘme piĂšce en sept tableaux, tous deux vouĂ©s Ă disparaĂźtre presque simultanĂ©ment. La Mort Rouge, outre son double statut, aurait-elle un double en la personne de Prospero ? Prospero se serait-il confrontĂ© Ă son propre double sous les traits de la MortalitĂ©, tel William Wilson, ce hĂ©ros Ă©ponyme de la nouvelle de Poe qui meurt Ă la vie aprĂšs avoir tuĂ© son double ? OĂč lâon voit que la thĂ©matique des masques nâest pas aussi transparente quâil y paraĂźt et que le masque, au sens large du terme, recouvre le concept dâillusion parce quâil touche aux phĂ©nomĂšnes liĂ©s Ă la perception et Ă la conscience claire â ou entĂ©nĂ©brĂ©e â des choses, comme câest le cas avec Prospero. Spectacle, spectre et spĂ©cularitĂ© 5 James W. Gargano, The Masquerade Vision in Poeâs Short-Stories.,Baltimore, 1977. 5La Mort en ce royaume est doublement choquante car, dâune part, elle est tout Ă fait incongrue et, dâautre part, elle se donne en spectacle de façon scandaleuse âThe whole company, indeed, seemed now deeply to feel that in the costume and bearing of the stranger neither wit nor propriety existedâ. "The Masque" se donne Ă lire comme le compte rendu dâune rĂ©jouissance quâune mise en scĂšne insolite mais mĂ©ticuleuse transforme en spectacle dâabord original puis hallucinant au cĆur de lâĂ©trange tourbillon des fĂȘtards la prĂ©sence de la Mort Rouge constitue une mise en abĂźme du spectacle en devenant la principale attraction du moment, en assumant le rĂŽle du masque le plus rĂ©pugnant mais aussi le plus fascinant quâon ait pu imaginer. Figure emblĂ©matique dâune instance inconsistante, vide de nature propre, et qui participe de ce que James W. Gargano5 appelle un complot Ă la fois cĂ©leste et infernal destinĂ© Ă rĂ©duire lâhumanitĂ© Ă lâanonymat total, le masque sâĂ©rige ici en objet de toutes les focalisations, dotĂ© de multiples effets de sens. 6 Supernal, terme quâaffectionne Poe et qui apparaĂźt notamment dans The Poetic Principle, essai publ ... 7 James W. Gargano, op. cit. 8. 6Lâambivalence profonde du masque de la Mort Rouge est en partie due Ă son aspect spectral son accoutrement Ă©voque jusque dans le moindre dĂ©tail le spectre de la Mort â The figure was tall and gaunt, and shrouded from head to foot in the habiliments of the grave. », The mask ⊠was made so nearly to resemble the countenance of a stiffened corpse ». Par ailleurs, cette dimension spectrale de la Mort Rouge se vĂ©rifie Ă la fin du rĂ©cit lorsque les courtisans de Prospero sâaperçoivent avec horreur quâil nây a personne derriĂšre le masque qui serait donc une apparition surnaturelle, an agent from the supernal6 », comme le dĂ©finit Gargano7. Mais le spectral Ă lui seul ne peut expliquer lâomnipotence du masque et la fascination quâil exerce sur le public. Face Ă ce masque, Prospero et ses courtisans succombent, terrassĂ©s par une vision insupportable, mais si cette vision sâavĂšre aussi insupportable pour les protagonistes de la mascarade câest sans doute parce que le masque de la Mort Rouge porte en lui lâimage de leur propre mortalitĂ©. 7La mort de Prospero et des autres face Ă lâimage de leur propre destin traduit de façon elliptique lâaccomplissement de la mission allĂ©gorique du rĂ©cit la mort quâils veulent fuir est non seulement parmi eux mais aussi en eux, et sa manifestation, visible mais impalpable, est lâincarnation dâun incube enfoui au plus profond dâeux-mĂȘmes. Cette part de rĂ©el de chacun, inspĂ©cularisable, sâactualise ici, de façon poĂ©tique, grĂące Ă la prĂ©sence du masque. Telle une illusion, un leurre au symbolisme trop cru et trop cruel, ce masque est en fait un masque-reflet qui fonctionne sur le plan de la confrontation spĂ©culaire 8 RenĂ© Dubois, Edgar A. Poe et le Bouddhisme 233. ⊠la mascarade ⊠se trouve confrontĂ©e Ă un masque qui est Ă la fois le reflet dâelle-mĂȘme et son expression archĂ©typale de par lâomnipotence de sa fonction. Tout comme la mascarade est dĂ©pourvue de nature propre et vide par nature, son reflet est pure illusion qui se dissipe Ă lâissue de sa mission dissolvante. Bien quâillusoire, le masque-reflet est tout puissant car il est dotĂ© de pouvoirs malĂ©fiques comme de pouvoirs bĂ©nĂ©fiques âŠ. Le masque-reflet apparaĂźt alors non pas comme le double des masques mais leur archĂ©type dont la prĂ©sence, nĂ©cessaire et fatale, nourrit, avant de clore, la diĂ©gĂšse du 8Nul besoin pour le masque-reflet dâexercer une coercition quelconque sur les autres masques, ce qui nâest pas sans rappeler lâĂ©trange mais non moins efficace passivitĂ© du double de William Wilson, le hĂ©ros Ă©ponyme. La mission de la Mort Rouge, Ă lâinstar de celle du double de William Wilson, doit sâaccomplir selon une logique liĂ©e, nous le verrons, Ă lâeschatologie cosmologique, sans aucune provocation dĂ©libĂ©rĂ©e ni aucune violence superflue. 9La spĂ©cularitĂ© qui caractĂ©rise les rapports entre la Mort Rouge et Prospero est marquĂ©e dans le texte par la prĂ©sence de certains dĂ©tails qui se font Ă©cho la couleur rouge du sang qui Ă©voque les hĂ©morragies causĂ©es par la peste, souille le masque ainsi que lâaccoutrement de la Mort Rouge, et se dĂ©tecte Ă©galement sur le front exaspĂ©rĂ© du Prince. Par ailleurs, tel un rappel adressĂ© Ă tous les protagonistes prĂ©sents concernant le symbole Ă la fois de la vie et de la mort, le rouge flamboie en lueurs fulgurantes sur les draperies noires de la septiĂšme et derniĂšre chambre, Ă travers les vitres rouge-sang de la fenĂȘtre. SpĂ©cularitĂ© entre spectre et spectateurs, entre extĂ©rieur ensanglantĂ© et intĂ©rieur rougeoyant, sĂ©grĂ©gation entre macrocosme au sang viciĂ© et microcosme au sang purifiĂ©, tout concourt Ă lâexpression dâune obsession, celle de la mort dont le sang serait lâauxiliaire, comme le perçoivent Prospero et son entourage. Et câest en cela que rĂ©side toute la tragĂ©die du Prince si le masque de la Mort Rouge est un leurre, câest aussi un avertissement car le Prince sâest leurrĂ© lui-mĂȘme sous la conduite dâune hubris suicidaire. Chronique dâune mort annoncĂ©e 9 Il sâagit tout particuliĂšrement de William Wilson », The Black Cat », The Tell-tale Heart », ... 10En digne hĂ©ros des temps mythiques relevant dâun passĂ© indĂ©terminĂ©, Prospero poursuit un rĂȘve chimĂ©rique qui le mĂšne, malgrĂ© lui, Ă lâauto-destruction. "The Masque" est le rĂ©cit dâune mort annoncĂ©e dont la diĂ©gĂšse repose sur des supports temporels et gĂ©ographiques propres Ă une thĂ©matique multiple celle de lâenfermement, celle de la rĂ©duction ou rĂ©gression, et celle de la dissolution, sur lesquelles nous reviendrons. En considĂ©rant ce rĂ©cit avec une certaine distance, et en gardant Ă lâesprit le souvenir dâautres contes poesques de mĂȘme nature et aux visĂ©es similaires9, le lecteur averti aura dĂ©tectĂ© ici, comme ailleurs, lâaspect inĂ©luctable dâune marche vers lâanĂ©antissement de soi Ă travers la nĂ©gation utopique dâune destinĂ©e humaine jugĂ©e par le narrateur/hĂ©ros comme trop indigne dâĂȘtre vĂ©cue, trop en deçà de ses aspirations profondes qui peuvent ĂȘtre ici de nature hubristique, et lĂ de nature nĂ©vrotique, ou encore les deux Ă la fois. 11Ici comme ailleurs, il sâagit dâune dissidence, dâun Ă©tat de rĂ©bellion qui vise Ă affranchir le sujet dâun certain asservissement physique, ou moral, devenu intolĂ©rable. De façon tout Ă fait paradoxale, mais aussi profondĂ©ment poĂ©tique, le sujet poesque abandonne le carcan initial pour un autre en se rĂ©fugiant dans une sphĂšre aussi illusoire quâalĂ©atoire. Mais lâimportant nâest pas lĂ ; ce qui importe câest quâil a lui-mĂȘme créé cet enfermement et quâil y a librement consenti. Une volontĂ© suicidaire prĂ©side au dĂ©veloppement de lâaction comme Ă ses consĂ©quences. De chambre en chambre, de couleur en couleur et dâheure en heure, Prospero mĂšne une danse qui sâavĂšre macabre non pas tant Ă cause de la prĂ©sence du masque de la Mort Rouge quâĂ cause de sa volontĂ© de rĂ©volte. Le bal masquĂ© de Prospero est une randonnĂ©e mortelle, une errance topographique et existentielle dont le terme est la dissolution totale. Le carillon de lâhorloge rythme cette marche vers le point de non-retour tandis que la succession des chambres marque la distribution symbolique de lâespace qui sĂ©pare lâĂȘtre du non-ĂȘtre et que Prospero sâest attribuĂ© comme territoire immuable, Ă jamais soustrait Ă lâempire et Ă lâemprise de la mortalitĂ©. Aucun leurre nâaura Ă©tĂ© aussi fatal, Ă lâexception, peut-ĂȘtre, de celui qui sâest emparĂ© du peintre dans "The Oval Portrait" oĂč lâon peut voir lâhubris de nouveau Ă lâĆuvre et menant inĂ©luctablement Ă la mort de toutes les illusions. Ici, comme dans les autres contes de la mĂȘme veine, la dimension poĂ©tique du rĂ©cit sâarticule autour de lâidĂ©e de dĂ©sir contraire Ă la norme, de normalitĂ© contrecarrĂ©e, de fuite centrifuge, et sâappuie sur des modalitĂ©s dâaccomplissement qui obĂ©issent aux canons artistiques de Poe. La perversion de lâesthĂ©tique 12PlacĂ©e sous le signe de la rĂ©gression, la diĂ©gĂšse de "The Masque" sâappuie sur des composantes dâune efficacitĂ© remarquable mais dont la signification profonde fait apparaĂźtre une perversion de lâesthĂ©tique doublĂ©e dâune perversion Ă©thique que lâon examinera en derniĂšre partie. Les auxiliaires de la rĂ©gression festive 10 Marie Bonaparte, Ă©lĂšve et amie de Freud, dans Edgar Poe, sa vie-son Ćuvre 1958, dĂ©crit la Mort R ... 13Architecture et alchimie semblent Ă lâorigine de lâassise esthĂ©tique de "The Masque". On aura dĂ©jĂ remarquĂ© une grande similitude architecturale entre les divers intĂ©rieurs poesques de la maison des Usher aux caves de MontrĂ©sor dans "The Cask of Amontillado" en passant par lâĂ©cole du RĂ©vĂ©rend Bransby dans "William Wilson", ce nâest quâenfilades de chambres et dĂ©dales de couloirs et dâescaliers sombres et tortueux, reprĂ©sentatifs dâune architecture que dâaucuns considĂšreront comme lâĂ©quivalent symbolique dâun cheminement freudien vers quelque matrice obsessionnelle10. La disposition sinueuse des chambres dans "The Masque", cependant, semble devoir se prĂȘter Ă une analyse portant essentiellement sur les valeurs esthĂ©tiques de Poe plutĂŽt quâĂ une quelconque interprĂ©tation psychanalytique. En effet, et si lâon en croit John T. Irwin, le penchant de Poe pour les arabesques architecturales ne serait pas Ă©tranger Ă son admiration pour le peintre anglais Hogarth dont la pensĂ©e artistique consignĂ©e dans The Analysis of Beauty, publiĂ© en 1753, considĂšre que la ligne serpentine est lâune des deux formes â lâautre Ă©tant celle du D â les plus reprĂ©sentatives, non seulement de la beautĂ© et de la grĂące, mais aussi de la totalitĂ© de lâordre formel 11 John T. Irwin, The Mystery to a Solution 408-409. And certainly if Poe knew Hogarthâs work, he would have known of his association with the serpentine line. For as Hogarth himself points out in the preface to The Analysis of Beauty, the self-portrait published as a frontispiece to his engraved works showed âa serpentine line, lying on a painterâs palletâ, and beneath it the words âTHE LINE OF BEAUTYâ. Finally, it seems hard to believe that anyone as interested as Poe was in questions of analysis and in the subject of the sublime and beautiful would not have made it a point to read a work entitled The Analysis of Beauty, particularly if it had been written by an artist whose work he 14La sinuositĂ© architecturale dans The Masque, comme dans les autres contes oĂč elle figure, reflĂšte Ă la fois les mĂ©andres enchevĂȘtrĂ©s dâun parcours topographique qui relĂšve, nous le verrons, du parcours mandalaĂŻque, et la complexitĂ© psychologique du sujet, en lâoccurrence le Prince Prospero. Chez ce dernier, le goĂ»t pour le bizarre â The dukeâs love of the bizarre » â se traduit Ă©galement Ă travers lâalchimie des couleurs qui nâest pas sans rappeler lâalchimie tantrique. Les couleurs diffĂ©rentes des sept chambres sâaniment sous lâeffet quasi magique du feu provenant des trĂ©pieds disposĂ©s de lâautre cĂŽtĂ© des vitres teintĂ©es qui illuminent les piĂšces. Cet Ă©clairage indirect mais pas moins efficace pour autant, filtrĂ© et colorĂ© de la plus vive façon, vient renforcer la tonalitĂ© de la fĂȘte Ă©trange celle-ci est Ă la fois rĂ©jouissance et initiation, comparable en cela Ă lâexpĂ©rience holistique du Tantrisme qui englobe Ă la fois le plan physique et le plan psychologique. Couleurs successives et mouvantes dont lâeffet est rĂ©gi par une source lumineuse vacillante, feux magiques autant que purificateurs fonctionnant comme agents de mĂ©tamorphoses, se conjuguent pour confĂ©rer aux personnages leur aspect de rĂȘve fantomatique To and fro in the seven chambers there stalked, in fact, a multitude of dreams. And these â the dreams â writhed in and about, taking hue from the rooms, and causing the wild music of the orchestra to seem as the echo of their steps. 12 Plusieurs critiques lâaffirment, comme Jean-Louis Grillou qui, dans son article Death in Venice,... 13 Lâalchimie poesque prĂ©sente - et en cela rejoint lâalchimie tantrique - une dimension sotĂ©riologiq ... 15MĂ©tamorphoses physiques et psychologiques, visĂ©es communes de toute alchimie, se retrouvent au cĆur des alchimies poesque et tantrique. Poe connaissait lâalchimie12 mais nâa pas Ă©crit des nouvelles alchimiques pour autant le discours alchimique chez Poe nâest pas une fin en soi, pas plus que la pratique alchimique ne lâest chez lâinitiĂ© tantrique. Sans doute Poe avait-il compris tout le parti quâil pouvait tirer de lâalchimie pour vĂ©hiculer certaines de ses convictions dans ses Ă©crits de fiction. Lâalchimie apparaĂźt dans "The Masque" comme un moyen Ă la fois poĂ©tique et sotĂ©riologique13 permettant de rendre compte du rituel esthĂ©tique qui sous-tend le passage du temps et donc de la vie. LâallĂ©gorie se dĂ©ploie ici dans toute son envergure en recouvrant le souci existentiel du voile poĂ©tique dâune reprĂ©sentation festive dont la nature est Ă©minemment rĂ©gressive. Lâarchitecture serpentine, le chatoiement des couleurs, la fulgurance des feux, ainsi que les accords hystĂ©riques de lâorchestre, convergent, tous, vers le lieu de leur propre anĂ©antissement, câest-Ă -dire la derniĂšre chambre ou chambre-sĂ©pulture oĂč la vie sous toutes ses formes sâĂ©teint malgrĂ© toute l Ă©nergie dĂ©ployĂ©e par Prospero et les siens. Par ailleurs, le nombre sept,Ă lâinstar des couleurs, participe de ce parcours rĂ©gressif Ă travers lâallusion aux sept Ăąges de lâhomme dont parle Jaques dans As You Like It. Le septiĂšme Ăąge, tel que le dĂ©crit Jaques, offre un Ă©cho saisissant de la clĂŽture de "The Masque" marquĂ©e par la nĂ©gativitĂ© totale 14 As You Like It, Act II, scene VII. Last scene of all,That ends this strange eventful history,Is second childishness, and mere oblivion;Sans teeth, sans eyes, sans taste, sans every 15 Poe expose clairement ces critĂšres dans son compte rendu des Twice-told Tales 1842 de Hawthorne ... 16 Roger Bozzetto, âLa recherche de lâĂ©merveillement et de la sidĂ©rationâ. Europe, n°868-869 140. 16La thĂ©matique de la rĂ©gression, exprimĂ©e sur le mode poĂ©tique, vise, selon des critĂšres artistiques bien dĂ©finis15, lâunitĂ© dâeffet qui exige, selon Poe, que tous les dĂ©tails du rĂ©cit convergent vers un seul et mĂȘme effet amenĂ© comme un point dâorgue qui, tout en clĂŽturant le conte, laisse hĂ©ros et lecteurs sous le choc dâun vĂ©ritable coup de théùtre. Câest en ce nĆud Ă la fois poĂ©tique et thĂ©matique que la couleur rouge acquiert toute son importance elle apparaĂźt comme emblĂ©matique dâun effet de fascination â ou de sidĂ©ration, pour reprendre lemot de Roger Bozzetto- dont lâemprise sur Prospero et ses courtisans est totale. La Mort Rouge, en traversant les salles du chĂąteau, telle une figure de proue fascinante, davantage suivie que poursuivie, rĂ©alise ainsi lâunitĂ© dâeffet du rĂ©cit, et fait Ă©cho Ă lâidĂ©e que Poe inaugure dans lâart de la nouvelle une esthĂ©tique de lâeffet qui court comme un fil rouge dans toute son Ćuvre. »16 Une esthĂ©tique de lâexcĂšs 17De façon quelque peu paradoxale, et ceci se vĂ©rifie Ă©galement dans dâautres contes tels que "Ligeia", lâesthĂ©tique de "The Masque" apparaĂźt comme un mĂ©lange impur, empreint dâambiguĂŻtĂ©, qui se situe Ă la frontiĂšre du Beau et du Laid, du Sublime et de lâHorreur, entre lâattraction et la rĂ©pulsion, sâĂ©rigeant ainsi en mĂ©taphore poĂ©tique du processus cosmologique qui sous-tend ce rĂ©cit. Par le biais dâaffirmations maintes fois rĂ©itĂ©rĂ©es, Poe opĂšre la mutation de lâesthĂ©tique de Prospero en une inesthĂ©tique » qui prĂ©figure toute lâhorreur de la situation tout en exprimant une rĂ©gression par rapport aux canons esthĂ©tiques de lâauteur dont le narrateur dans ce rĂ©cit se fait le porte-parole. Poe prend soin dâindiquer quâen matiĂšre dâesthĂ©tique, les goĂ»ts de Prospero sâavĂšrent fort douteux â âThe dukeâs love of the bizarreâ, âThe tastes of the duke were peculiar â â sâils ne relĂšvent pas directement de la folie âThere were delirious fancies such as the madman fashions â. Lâabondante prĂ©sence dâoxymores â âhis conceptions glowed with barbaric lustreâ, âarabesque figures with unsuited limbs and appointmentsâ, âthere was much of the beautiful, there was much of the wantonâ, âthe princeâs indefinite decorumâ â rĂ©vĂšle lâĂ©cart qui sĂ©pare le vrai sens du goĂ»t chez Poe, liĂ© Ă lâimagination, et les dĂ©lires esthĂ©tiques de Prospero, liĂ©s Ă la fancy. Enfin, la norme en matiĂšre de goĂ»t telle que Poe lâexprime dans The Philosophy of Furniture 1840 sâoppose ouvertement au manque de goĂ»t flagrant chez Prospero Ă travers lâusage dâun lexique ou dâexpressions Ă connotation fortement pĂ©jorative si lâon garde en mĂ©moire les recommandations consignĂ©es dans cet essai bizarre, profusion of golden ornaments, glaringly illumined, gaudy, fantastic, glitter, phantasms. Contrairement au Prospero shakespearien qui, en vrai magicien, parvient Ă instaurer un semblant dâordre et dâharmonie dans son Ăźle au lendemain dâune tempĂȘte mĂ©morable, le Prospero de Poe rĂ©tablit dans la sienne un certain dĂ©sordre sous le couvert dâune esthĂ©tique douteuse. Nous avons affaire ici Ă une thĂ©matique de lâexcĂšs que lâapparition de la Mort Rouge traduit de façon symbolique mais aussi singuliĂšrement ironique â the figure in question had out-Heroded Herod, and gone beyond the bounds of even the princeâs indefinite decorum â. Tous les Ă©lĂ©ments du conte, y compris lâarchitecture serpentine et lâalchimie des couleurs, contribuent Ă mettre en exergue la notion de subversion qui est au cĆur du contexte Ă©pistĂ©mique de "The Masque". 18A la perversion esthĂ©tique, liĂ©e Ă la linĂ©aritĂ© de lâaxe syntagmatique du rĂ©cit et se traduisant par la distorsion du goĂ»t , sâoppose la perversion Ă©thique, liĂ©e Ă lâaxe paradigmatique et dont le mode dâexpression est la subversion. Et câest le long de lâaxe paradigmatique que se rencontrent les Ă©chos dâEureka qui font de "The Masque" le rĂ©cit dâune eschatologie dont la proximitĂ© avec lâeschatologie orientale demeure troublante. Une Ă©criture Ă rĂ©sonance orientale vers une eschatologie bouddhico-poesque. La proximitĂ© orientale du rĂ©cit poesque le mandala pervers de Prospero 19Comme câest le cas dans la plupart des contes de Poe, lâimpact dâEureka sur "The Masque"est si profond que lâon peut considĂ©rer ce rĂ©cit comme une illustration, parmi tant dâautres,de lâessai mĂ©taphysique, une mise en abyme autant quâune mise en pratique du souci cosmologique eurĂ©kĂ©en dans un contexte de fiction. Un rĂ©sumĂ© concis de la thĂšse dâEureka permettra dâĂ©tablir sa parentĂ© avec "The Masque" et de dĂ©gager la tonalitĂ© orientale â bouddhique, essentiellement â de ce rĂ©cit. 17 En particulier les Sutras du Tripitaka ou Bible » bouddhique composĂ©e de trois ensembles de Text ... 18 Le MahĂąyĂąna est la tradition des Ă©coles bouddhiques du Nord dont le souci sotĂ©riologique primordia ... 20Eureka ou Essai sur lâunivers matĂ©riel et spirituel, publiĂ© en 1848 et que Poe qualifie de poĂšme en prose et de livre des vĂ©ritĂ©s, stipule que lâunivers sensible sâest créé Ă la suite du dĂ©sir divin de sâincarner en une particule mĂšre qui, en se divisant de façon quasi infinie, donne naissance Ă un nombre incalculable mais fini dâatomes. Au terme du dĂ©sir divin de diffusion dans lâespace ainsi créé, le mouvement de retour des atomes dispersĂ©s vers la particule originelle sâamorce et se traduit par la formation des corps cĂ©lestes, ou ensemble de galaxies, qui constituent lâunivers. A la fin des temps, la contraction totale de lâunivers entraĂźnera sa disparition en mĂȘme temps que disparaĂźtra la particule originelle qui, sâincarnant de nouveau sous lâimpulsion dâune nouvelle volition divine, donnera lieu Ă un nouveau cycle dâexpansion et de contraction, et cela tant que Dieu Ă©prouvera le dĂ©sir de sâincarner. LâunitĂ©, point de dĂ©part et finalitĂ© du monde, constitue donc son principe unificateur ; mais le monde, en soi, fait obstacle au retour vers lâunicitĂ© originelle car, par dĂ©finition, il incarne le multiple qui, Ă son tour, manifeste un dĂ©sir dâexistence qui lui est propre. Câest ce mĂȘme vouloir-vivre, Ă la racine du monde phĂ©nomĂ©nal, que Schopenhauer analyse, quelques dĂ©cennies avant Poe, dans Le Monde comme VolontĂ© et comme ReprĂ©sentation 1818. Or, on peut lire dans tous les textes sacrĂ©s du Bouddhisme17, que, du moindre grain de sable â la mĂ©taphore de lâatome â Ă lâagrĂ©gat le plus complexe, lâunivers entier manifeste le dĂ©sir dâĂȘtre tout en sâacheminant vers le NirvĂąna, sa destination ultime Ă la fin des temps. PensĂ©e poesque et tradition bouddhique mahĂąyĂąniste18 se rejoignent pour affirmer que cette volontĂ© dâexistence se traduit par les cycles de renaissances successifs que Poe appelle aussi mĂ©tamorphoses ». Ce constat commun de Poe et des MahĂąyĂąnistes en entraĂźne dâautres dâĂ©gale importance et notamment les affirmations suivantes la matiĂšre, et donc lâexistence, sont le produit de lâattraction et de la rĂ©pulsion ; en tant que telle, la matiĂšre dont lâexistence est soumise Ă un jeu de forces, Ă la combinaison dâĂ©nergies, est contingente et par suite impermanente ; enfin, la vocation de la matiĂšre, identique Ă celle de tout dĂ©sir dâincarnation â aussi divin soit-il â est lâintĂ©gration du NĂ©ant/NirvĂąna, cette vacuitĂ© centrale oĂč se rĂ©solvent toutes les antinomies et dichotomies de la multiplicitĂ©. 21Le monde, rĂ©gi par les forces de lâattraction et de la rĂ©pulsion, apparaĂźt donc comme une entitĂ© illusoire et alĂ©atoire. Il nâen demeure pas moins quâen tant que multiplicitĂ© manifestĂ©e, il incarne une rĂ©sistance, une rĂ©action opposĂ©e Ă la marche vers lâintĂ©gration de lâunicitĂ©. Le monde sensible est emblĂ©matique de la contradiction car il est rĂ©pulsion pure, incarnation de la force contraire Ă lâattraction, et sa volontĂ© dâexistence contrecarre celle-ci et retarde ses effets. Cet attachement Ă lâexistence constitue le karma du monde dont lâerrance dans le SamsĂąra se traduit par le nombre incalculable mais non infini des cycles de renaissances lâerrance samsĂąrique a un terme, tout comme elle a une origine, ce dont pensĂ©e poesque et tradition bouddhique conviennent sans divergence aucune. 22A la lumiĂšre des considĂ©rations eschatologiques communes Ă ces deux instances, "The Masque", dans son contexte Ă©pistĂ©mique, se donne Ă lire, comme une allĂ©gorie liĂ©e Ă lâontologie bouddhico-poesque. La farandole des protagonistes dans ce rĂ©cit est une dramatisation de lâerrance samsĂąrique dont le terme cosmologique est le trou noir de lâultime chambre. La septiĂšme chambre tendue de noir signale la fin dâun cycle de mĂ©tamorphoses qui a commencĂ© dans la chambre orientale tendue de bleu. Elle reprĂ©sente un lieu de non-retour temporaire, dans lâattente dâun nouveau cycle sous lâimpulsion dâun nouveau dĂ©sir dâexistence, et câest en son centre vide que se rĂ©sorbent toutes les fulgurances artistiques ainsi que toutes les extravagances centrifuges dâun microcosme dont le destin ne peut Ă©chapper au devenir du macrocosme qui lâenglobe. 23Lâunivers de Prospero, issu dâune volontĂ© contraire Ă la force dâattraction, est une contradiction vouĂ©e Ă disparaĂźtre. Câest en ce sens que lâon peut considĂ©rer "The Masque" comme la chronique dâune mort annoncĂ©e. Et câest en ce nĆud bouddhico-poesque que la figure de la Mort Rouge acquiert toute sa signification ontologique elle nâincarne pas le mal, comme le pense Prospero, mais la force dâattraction dont la mission est de vaincre la rĂ©pulsion quâincarnent Prospero et sa crĂ©ation. 24Le microcosme de Prospero nâest donc quâun accident de parcours, et vue sous cet angle, la pĂ©rĂ©grination du prince Ă travers les sept mĂ©tamorphoses symbolisĂ©es par les sept chambres correspond Ă une progression mandalaĂŻque erronĂ©e. Contrairement au mandala sotĂ©riologique oĂč le sujet, en parvenant au centre de la cosmogonie, rejoint le niveau divin et rĂ©alise lâexpĂ©rience Ă©piphanique dâune illumination et dâune dĂ©livrance salutaires, dans le mandala perverti de Prospero, Ă aucun moment, le prince ou ses courtisans, nâosent sâaventurer dans la chambre de non-retour, lâĂ©quivalent du centre vide de lâultime cercles dâun mandala encore trop ancrĂ© dans la multiplicitĂ©. Câest ici que Poe renforce le caractĂšre allĂ©gorique du rĂ©cit avec une habiletĂ© remarquable en passant trĂšs subrepticement du parfait au prĂ©sent de narration la deuxiĂšme moitiĂ© du sixiĂšme paragraphe du texte, consacrĂ©e aux Ă©volutions des protagonistes de chambre en chambre, rythmĂ©es par la musique dâun orchestre dont les accords sont interrompus Ă chaque heure par le carillon de lâhorloge, est entiĂšrement rendue au prĂ©sent de narration. Ce changement de temps indique le passage dâune occurrence diĂ©gĂ©tique particuliĂšre vers lâatemporalitĂ© dâune affirmation dâordre gĂ©nĂ©ral le prĂ©sent de narration octroie au mandala de Prospero une dimension archĂ©typale en en faisant le prototype de tous les mandala de cette nature. 25Enflure intempestive, voire incongrue car gĂ©nĂ©rĂ©e par la fancy de son auteur, le microcosme de Prospero apparaĂźt comme une inflation cosmologique hubristique qui nâaurait pas dĂ» ĂȘtre, et dont lâexistence, sous-tendue par lâespace et le temps, est vouĂ©e Ă disparaĂźtre avec la disparition de ces deux paramĂštres cosmologiques. Le degrĂ© zĂ©ro du temps et de lâespace 26On ne saurait passer sous silence le fait que Poe accorde dans ce rĂ©cit une importance capitale au couple temps/espace. Par ailleurs, lâabolition du monde Ă travers lâabolition de ses paramĂštres, telle quâelle se prĂ©sente dans "The Masque", fait Ă©cho aux visions apocalyptiques dâEureka et dâautres rĂ©cits tels que The Conversation of Eiros and Charmion. Dâune façon gĂ©nĂ©rale, la thĂ©matique poesque de la nĂ©gation du monde â ou dâun monde â se prĂ©sente comme un rituel eschatologique qui peut dĂ©boucher sur une disparition soudaine et quasi magique de lâenvironnement, comme câest le cas ici, ou sur la variante que reprĂ©sente lâĂ©vanouissement du sujet pour qui le monde nâexiste plus, comme dans le cas de "The Pit and the Pendulum". Dans tous ces Ă©crits la fin du monde coĂŻncide avec la disparition simultanĂ©e du temps et de lâespace. Quây a-t-il dâĂ©tonnant Ă cela puisque Poe est convaincu, dans Eureka, de lâidentitĂ© du temps et de lâespace Space and Duration are one. Il serait utile de se rĂ©fĂ©rer, de nouveau ici, Ă la sphĂšre bouddhico-poesque pour rendre compte de lâimportance de ces deux paramĂštres dans "The Masque" 19 RenĂ© Dubois, âTemps et espace dans lâEureka de Poe et dans la tradition bouddhiqueâ. Mythes, Croya ... Tout comme dans la tradition bouddhique, lâAbsolu chez Poe est un Absolu aspatial et atemporel, au sein duquel lâespace et le temps sont abolis, chacun Ă sa façon le premier par contraction ad infinitum, devient inexistant et rejoint lâinexistence du temps qui sâest figĂ© au degrĂ© zĂ©ro, câest-Ă -dire, non pas dans lâĂ©ternitĂ© liĂ©e au phĂ©nomĂ©nal, mais dans le hors-temps, le non-temps, autrement dit, lâatemporalitĂ© de lâinconditionnĂ© ou du 27Câest prĂ©cisĂ©ment ce qui se passe dans "The Masque", rĂ©cit Ă©minemment sous-tendu par ces deux paramĂštres qui fondent lâunivers lâespace implose dans la derniĂšre chambre oĂč tout disparaĂźt dans les tĂ©nĂšbres dâun vĂ©ritable trou noir tandis que le temps sâest arrĂȘtĂ© au dernier coup de minuit. Cependant, tout au long du parcours circonscrit par les chambres, chaque heure que sonne lâhorloge est un rappel des incontournables rĂ©alitĂ©s ontologiques que les protagonistes refusent dâintĂ©grer, non sans une angoisse grandissante au fur et Ă mesure que le temps avance, angoisse que le narrateur ne manque pas de souligner There are chords in the hearts of the most reckless which cannot be touched without emotion ». Ce processus dâactions balisĂ©es par des jalons temporels, qui indique que la mesure du temps est liĂ©e Ă lâexistence en sursis, se retrouve dans "The Tell-Tale Heart", notamment, oĂč les faits et gestes du hĂ©ros-narrateur sont ponctuĂ©s de rĂ©fĂ©rences au temps, rĂ©currentes et prĂ©cises. Lâexistence se dĂ©ploie donc dans un espace et une temporalitĂ© bornĂ©s, Ă lâinstar du chĂąteau-microcosme, de lâexil-prison de Prospero oĂč rien ne peut entrer ni sortir, mais oĂč tout se trouve dĂ©jĂ . 28La contradiction que reprĂ©sente ce microcosme et qui se traduit par une subversion Ă tous les niveaux du rĂ©cit, concerne Ă©galement le temps. En se retranchant de lâentropie environnante, la nĂ©guentropie de Prospero nâen a pas moins conservĂ© les paramĂštres temporel et spatial, mais de mĂȘme que lâespace mandalaĂŻque du prince sâavĂšre une cosmogonie perverse, de mĂȘme, la temporalitĂ© de son enclave se veut contraire Ă celle du macrocosme Ă laquelle il lui faut correspondre. Mais comment Ă©chapper Ă lâemprise du temps ? Comment se soustraire Ă la temporalitĂ©, aux cycles des renaissances, Ă lâinĂ©luctabilitĂ© du destin que symbolise la Mort Rouge ? Prospero rĂ©sout toutes ces questions par le recours Ă un stratagĂšme technique - le bal - un stratagĂšme par ailleurs Ă©minemment esthĂ©tique car il sâagit dâun bal masquĂ© oĂč se retrouvent tous les goĂ»ts, le meilleur comme le pire. La farandole reprĂ©sente lâespoir fou de Prospero de sâaffranchir de la cyclicitĂ© du temps ; elle traduit, de façon symbolique, lâacte sexuel qui fonde la vie et sâoppose ainsi Ă la mort, car 20 Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de lâimaginaire 388. [âŠ] toute chorĂ©graphie rythmique est une Ă©rotique. Erotique non seulement en ce sens que de nombreuses danses sont directement un prĂ©paration ou un substitut de lâacte dâamour, mais encore parce que la danse rituelle joue toujours un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans les cĂ©rĂ©monies solennelles et cycliques qui ont pour but dâassurer la fĂ©conditĂ© et surtout la pĂ©rennitĂ© du groupe social dans le temps. 20 29La danse, dans ce rĂ©cit, nâapparaĂźt macabre quâĂ cause de la prĂ©sence du masque de la Mort ; elle est, en fait, lâexpression dâun suprĂȘme dĂ©sir de vivre, dâune pulsion de vie rythmĂ©e par la musique de lâorchestre et le carillon de lâhorloge â[âŠ] in them beat feverishly the heart of life.â La rythmique sexuelle du bal masquĂ©, en sâĂ©mancipant du rythme temporel naturel, vise Ă atteindre lâintemporalitĂ©, et donc la sphĂšre du mythique, tout en demeurant au cĆur du temps qui sâĂ©coule inexorablement vers son propre Ă©puisement 21 Gilbert Durand, op. cit 387-388. La musique constitue bien elle aussi une maĂźtrise du temps comme lâa vu un des plus perspicaces musicologues qui Ă©crit En admettant que la musique organise effectivement le temps, quel est donc le caractĂšre spĂ©cifique de cette opĂ©ration ?âŠle compositeur produit dans le temps une chose qui en son unitĂ©, en tant quâayant un sens, est intemporelle⊠»21 22 Cette derniĂšre caractĂ©ristique de lâhorloge est tout Ă fait Ă©vocatrice de celle de lâĂ©tang, lieu d ... 30Toutefois, Poe a pris soin de souligner la nature Ă©trangement ambiguĂ«, et donc inquiĂ©tante, du carillon de lâhorloge prĂ©sentĂ©e tantĂŽt comme profondĂ©ment musicale, tantĂŽt comme menaçante, la tonalitĂ© de la mĂ©canique vient assombrir les rĂ©jouissances, et les heures quâelle Ă©grĂšne apparaissent comme autant de coups de frein Ă la frĂ©nĂ©sie gĂ©nĂ©rale. Le rĂŽle de lâhorloge sâavĂšre en fait bivalent elle impulse la danse autant quâelle la dĂ©truit ; elle rythme la chorĂ©graphie autant quâelle scande lâapproche de la mort. Par cette double fonction, lâhorloge fusionne deux symboliques elle est dâune part lâoutil diĂ©gĂ©tique qui traduit le passage du temps ainsi que la progression narrative, et dâautre part un auxiliaire eschatologique Ă©minemment poĂ©tique, Ă la fois hĂ©raut et victime de lâapocalypse universelle22. 31La double contradiction de Prospero, Ă la fois spatiale et temporelle, vĂ©ritable effort dĂ©sespĂ©rĂ© de sâaffranchir de la mortalitĂ©, sâachĂšve dans une dissolution totale qui se traduit par le degrĂ© zĂ©ro du temps et de lâespace. Lâanalyse de "The Masque" demeurerait, cependant, incomplĂšte si elle ne rendait pas compte des Ă©chos dissolvants que renferme lâĂ©criture de ce rĂ©cit oĂč la forme semble Ă©pouser au plus prĂšs les contours du fond. LâĂ©criture apophatique comme mĂ©taphore de la rĂ©intĂ©gration du NĂ©ant-NirvĂąna 23 Edgar Allan Poe Poetry and Tales 1348 32"The Masque" est lâhistoire dâune aventure qui sâabĂźme dans lâau-delĂ de la vie et de la mort, et la rĂ©gression en est le terme clĂ© car elle se vĂ©rifie Ă tous les niveaux. La structure mĂȘme du rĂ©cit en est affectĂ©e lâĂ©criture de "The Masque" reproduit la rĂ©gression cosmologique dont parle Eureka, par le recours Ă lâitĂ©ration des situations qui se dĂ©gradent au fur et Ă mesure que le terme de la diĂ©gĂšse approche. A lâinstar de lâeffondrement progressif de lâunivers tel que le dĂ©crit Eureka â âIf the propositions of this Discourse are tenable, âthe state of progressive collapseâ is precisely that state in which alone we are warranted in considering All Thingsâ23 â "The Masque" se donne Ă lire comme une succession de phases dont lâamplitude, large dans la premiĂšre moitiĂ© du rĂ©cit, diminue avec lâaccĂ©lĂ©ration du rythme des Ă©vĂ©nements dans la deuxiĂšme moitiĂ©, pour enfin retrouver lâenvergure que requiert le compte rendu de lâapogĂ©e apocalyptique du conte. De phase en phase, comme de chambre en chambre, le rĂ©cit sâachemine vers sa conclusion qui, dans un treiziĂšme et dernier paragraphe, rĂ©sume tout le processus annihilateur de lâeschatologie eurĂ©kĂ©enne. LâitĂ©ration descriptive des situations, outre le fait quâelle reflĂšte, sur le plan syntagmatique, le rythme chorĂ©graphique de la fĂȘte, vise Ă reproduire, sur le plan paradigmatique, lâeffet de tautologie inhĂ©rent Ă la cyclicitĂ© cosmologique qui pose que les Ăąges se succĂšdent jusquâĂ leur terme. 33ParallĂšlement Ă la dissolution de lâunivers lors de son implosion et de son intĂ©gration du NĂ©ant, nous assistons, au niveau du conte, Ă la dissolution dâune Ă©criture qui sâabolit dans le degrĂ© zĂ©ro dâun discours caractĂ©risĂ© jusque lĂ par une certaine flamboyance, Ă lâimage de la fulgurance Ă©phĂ©mĂšre du monde de Prospero. Progressivement mais inĂ©luctablement, la fonction de lâĂ©criture change de statut Ă la fonction phatique, destinĂ©e Ă la prĂ©sentation et au dĂ©veloppement de lâhistoire narrĂ©e, succĂšde la fonction apophatique dans la clĂŽture du rĂ©cit. VĂ©ritable mĂ©taphore de lâintĂ©gration du NĂ©ant/NirvĂąna, la conclusion de "The Masque" nâen conserve pas moins, jusque dans les soubresauts de lâagonie, des traces Ă©loquentes de la nostalgie du SamsĂąra, dâun vouloir-vivre contraire Ă la rĂ©sorption finale, Ă travers la conjonction and, rĂ©itĂ©rĂ©e pas moins de huit fois en quelques lignes. Des pans entiers de vie et de vitalitĂ©, emblĂ©matiques dâune rĂ©pulsion rebelle aux visĂ©es dâĂ©ternitĂ© impossibles, sombrent les uns aprĂšs les autres, Ă lâinstar de lâeffondrement progressif des mondes eurĂ©kĂ©ens dans le processus du retour dâabord vers lâUn, puis vers lâAbsolu. Sur le plan de lâĂ©criture, ces effondrements successifs, liĂ©s les uns aux autres par la conjonction and, traduisent une contiguĂŻtĂ© syntagmatique dont lâĂ©puisement coĂŻncide parfaitement avec la mĂ©taphore paradigmatique de la dĂ©sintĂ©gration finale du monde de Prospero et de son intĂ©gration de lâAbsolu. 24 Dans dâautres contes tels que A Descent into the Maelström », The Pit and the Pendulum », Li ... 34Lâapophatisme de la clĂŽture reprĂ©sente le point de non-retour dâune Ă©criture rĂ©gressive dont le discours nâa plus dâobjet car il a atteint la limite du vide, lâaporie dâune expĂ©rience de lâextrĂȘme qui dĂ©bouche sur lâimpossible Ă dire. Cette forme dâĂ©criture qui se nie elle-mĂȘme tout en contribuant Ă lâeffet de sidĂ©ration, relĂšve dâune technique narrative chĂšre Ă Poe. Lâauteur y recourt dans plusieurs de ses contes et notamment dans "The Narrative of Arthur Gordon Pym" oĂč elle se dĂ©ploie dans toute son envergure, avec cette diffĂ©rence que, dans "The Masque", le narrateur demeure le tĂ©moin extradiĂ©gĂ©tique de lâuniformitĂ© entĂ©nĂ©brĂ©e de lâAbsolu, alors que, dans "The Narrative", le narrateur intradiĂ©gĂ©tique disparaĂźt dans lâAbsolu dâune uniforme blancheur. Dans les deux cas, ainsi que dans tous les contes de mĂȘme nature, lâĂ©criture se clĂŽt sur cette vacuitĂ© qui est au cĆur des processus eschatologiques poesque et bouddhique24. 25 Edgar Allan Poe Essays and Reviews 600. 35A maintes reprises Poe sâest Ă©levĂ© contre lâusage abusif et incongru de lâallĂ©gorie dans tout rĂ©cit de fiction. Ainsi, dans son compte rendu des poĂšmes de Henry B. Hirst, lâauteur affirme que all allegories are contemptible »25, et, dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, dans son essai critique sur les Twice-Told Tales de Hawthorne, il Ă©crit 26 Op. Cit. 582. In defence of allegory, however, or for whatever object, employed there is scarcely one respectable word to be said. Its best appeals are made to the fancy â that is to say, to our sense of adaptation, not of matters proper, but of matters improper for the purpose, of the real with the unreal; having never more of intelligible connection than has something with nothing, never half so much of effective affinity as has the substance for the 36Cependant, au terme de notre analyse, il apparaĂźt que "The Masque" rĂ©pond parfaitement aux exigences trĂšs particuliĂšres de Poe concernant lâallĂ©gorie, telles quâil les Ă©nonce dans ce mĂȘme essai sur Hawthorne 27 Op. Cit. 582-583 One thing is clear, that if allegory ever establishes a fact, it is by dint of over-turning a fiction. Where the suggested meaning runs through the obvious one in a very profound undercurrent, so as never to interfere with the upper one without our own volition, so as never to show itself unless called to the surface, there only, for the proper uses of fictitious narrative, is it available at all. Under the best circumstances, it must always interfere with that unity of effect which, to the artist, is worth all the allegory in the 37Le souci esthĂ©tique, qui engendre lâunitĂ© de lâeffet, est au cĆur dâun rĂ©cit oĂč le narrateur, Ă aucun moment ne permet Ă lâallĂ©gorie dâĂ©clipser lâintĂ©rĂȘt diĂ©gĂ©tique. Nous retrouvons ici, Ă lâinstar du poĂšme en prose » que constitue Eureka, cette obsession poesque pour lâunitĂ© poĂ©tique dans toute Ćuvre de fiction. Tout didactisme et, avec lui, toute allĂ©gorie affichĂ©e doivent ĂȘtre bannis du rĂ©cit de fiction. "The Masque" apparaĂźt ainsi comme une vĂ©ritable mascarade dans tous les sens du terme si le sens premier et le sens cachĂ© coĂŻncident aussi parfaitement, si lâobvie et lâobtus se superposent avec autant dâexactitude, câest bien parce que le propos Ă©pistĂ©mique â lâeschatologie bouddhico-poesque â est habilement masquĂ© dans sa totalitĂ© par la fiction de surface. Nous pouvons y dĂ©celer un Ă©cho supplĂ©mentaire dâEureka, Ćuvre dans laquelle Poe affirme maintes fois que The Body and the Soul walk hand in hand ». Et si ce conte marque autant lâimagination du lecteur câest bien parce que celui-ci trouve dans lâhubris pathĂ©tique de Prospero le reflet de son propre dĂ©sir dâĂ©ternitĂ© dont la perversion lui Ă©chappe, Ă lui autant quâĂ Prospero, car nous dit Eureka, la conscience humaine n'est pas encore prĂȘte pour l'intĂ©gration de la conscience divine qui l'englobe, et la rĂ©sorbera Ă la fin des temps, dans le vide d'une centralitĂ© nirvĂąnĂ©e.
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Enrésumé. Ce masque est le plus célÚbre de tous les objets découverts dans la tombe de Toutankhamon. Il a fallu plus de 10 kg d'or pour le réaliser.
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Poe, Lorrain et le spectre de la variole Catriona Seth RĂ©sumĂ© Lâarticle tente de montrer, Ă partir dâune cĂ©lĂšbre nouvelle de Poe, comment Jean Lorrain rĂ©investit un topos littĂ©raire bien connu pour le renouveler. Dans La Vengeance du masque, lâauteur normand se sert du dĂ©guisement carnavalesque pour montrer une mort qui arrive de maniĂšre subreptice, comme une subtile vengeance sans appel. Avec la figure de lâĂ©tranger qui contamine de la petite vĂ©role, il se situe dans la reprĂ©sentation de hantises qui nâont pas disparu de nos jours. Taking a famous short story by Poe as its starting point, the article attempts to show how Jean Lorrain renews a well-known literary topos. In La Vengeance du masque, the Normand author uses carnival disguises to show death arriving surreptitiously like a subtle and unavoidable vengeance. With the figure of a stranger who communicates smallpox, he takes his place in a tradition of the representation of fears which still have currency nowadays. Texte intĂ©gral 1 Pierre Fauchery, La DestinĂ©e fĂ©minine dans le roman europĂ©en du XVIIIe siĂšcle 1713-1807. Essai de ... La petite vĂ©role [âŠ] est une affection de grande utilitĂ© â et de grande tradition â romanesque. Et lâon serait presque tentĂ© de plaindre les romanciers de lâĂąge futur, que la gĂ©nĂ©ralisation du vaccin allait priver dâune ressource aussi assurĂ©e. Cette infortune est une des voies royales du destin1. 2 Rappelons que petite vĂ©role » et variole » dĂ©signent la mĂȘme maladie, le premier terme Ă©tant p ... 3 Toutes nos citations du Masque de la mort rouge proviennent de la traduction par Baudelaire Edga ... 4 La mort rouge telle que la dĂ©crit Poe semble ĂȘtre une sorte de peste sanglante. La variole est par ... 5 Voir en particulier ses Histoires de masques ou un chapitre de Phocas. 1Pierre Fauchery, dans son ouvrage sur La destinĂ©e fĂ©minine au XVIIIe siĂšcle, est lâauteur de ces quelques lignes plaisantes et Ă©rudites. Ne lui en dĂ©plaise, lâarrivĂ©e du vaccin, dans la foulĂ©e des travaux de Jenner, au tournant des XVIIIe et XIXe siĂšcles, ne suffit pas Ă mettre un terme Ă des contagions littĂ©raires et la variole est restĂ©e un thĂšme trĂšs riche pour les romanciers et nouvellistes2. Poe se souvient de lâhorreur inspirĂ©e par lâapparence des malades lorsquâil imagine une Ă©pidĂ©mie terrible qui fait le fonds du Masque de la mort rouge3. Le prince Prospero sây barricade dans un palais magnifique avec ses courtisans pour Ă©chapper Ă la pandĂ©mie. La Mort rouge4 frappe lors dâun bal masquĂ©. Chez Jean Lorrain, grand amateur de masques, auxquels il consacre plusieurs Ă©crits5, La vengeance du masque rĂ©investit le thĂšme de la variole. Je souhaiterais, en croisant ces nouvelles, examiner les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments topiques de lâimaginaire de la variole tels quâils sont utilisĂ©s par les deux Ă©crivains et renouvelĂ©s par Lorrain. 6 Jean Lorrain, La Vengeance du masque, Le Crime des riches, Paris, Pierre Douville, 1905, p. 211-22 ... 2Observons tout dâabord quelques faits autour de La vengeance du masque. Le texte figure au sein du Crime des riches et le titre du recueil pourrait Ă©galement sâappliquer Ă la nouvelle. Rappelons de quoi il sâagit. Maxence de Mergy raconte Ă des amis une histoire de masques qui sâest dĂ©roulĂ©e dans le dĂ©cor le plus gai et le plus banal, le plus remuant et le plus ensoleillĂ© qui soit au monde ; dans la ville mĂȘme de la folie et de lâopĂ©ra bouffe en plein carnaval de Nice »6. LâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, le narrateur a suivi, parmi la foule, M. et Mme Campalou, des commerçants enrichis qui ont fait fortune dans la passementerie, et qui sont descendus dans le mĂȘme hĂŽtel que lui. Il les dĂ©crit ainsi 7 Ibid., p. 215. [âŠ] un mĂ©nage toulousain et pas tout jeune ; car madame frisait bien la quarantaine, bonne grosse commĂšre rĂ©jouie avec, sur la lĂšvre, un soupçon de moustache, lâĆil vif, le cortĂšge en bastion, une vraie dĂ©lurĂ©e de Toulouse venue exprĂšs pour les fĂȘtes, et qui nâentendait pas chĂŽmer Ă ce carnaval. Le mari, guĂšre plus ĂągĂ©, avec un beau profil classique un peu empĂątĂ© par la vie de province, quoique encore solide et lâair dâun luron, Ă©tait dâaspect plus calme7. 8 Ibid., p. 218. 3EnchantĂ©e de lâambiance, Eudoxie Campalou, charmante par son entrain et son exubĂ©rance », a prĂ©venu quâelle ne supporterait pas dâĂȘtre lâobjet des attouchements de quelque fĂȘtard dĂ©lurĂ©. Or cela ne manque pas dâarriver, ce qui dĂ©clenche la furie de la dame Ă lâencontre de son agresseur â Cochon, salop ! hurlait-elle, depuis une heure que vous me pelotez ! »8 Elle tente alors dâarracher le masque dâun grand domino de satin noir et y arrive enfin Lâhomme dĂ©masquĂ© avait poussĂ© un effroyable cri. Le treillage de fer, en se dĂ©chirant, lui avait labourĂ© le visage. Une rigole rouge coulait de lâĆil gauche ; le nez, le front nâĂ©taient quâune Ă©raflure, lâhomme avait toute la face en sang. 9 Moi, la vision mâobsĂ©dait de cet homme dĂ©figurĂ© et sanglant. Sa derniĂšre recommandation Ă son co ... 4Lâhomme est un AmĂ©ricain. Mergy apprend quâon craint pour son Ćil gauche9. 5On observe que le point de non-retour est celui lors duquel le masque est arrachĂ© Ă lâinconnu. Mergy avait rappelĂ© Ă son auditoire quâil sâagissait lĂ dâune transgression inacceptable car le carnaval a ses rĂšgles. Malheur Ă celui â ou Ă celle â qui les oublie 10 Ibid., p. 213-214. Par une convention tacite et acceptĂ©e de tous le masque seul est respectĂ© ce jour-lĂ . Sous aucun prĂ©texte on nâa le droit de lâenlever au domino ou au clown qui vous attaque et vous houspille. Câest ce masque inviolable et prĂ©servateur qui fait la gaietĂ© de la rue, les jours de corso10. 6Chez Poe, le prince Prospero a souhaitĂ© voir ses convives masquĂ©s mais, apercevant dans son palais un inconnu travesti en mort, il commence par exiger quâon lui enlĂšve son dĂ©guisement Emparez-vous de lui, et dĂ©masquez-le. » LĂ encore, une convention semble avoir Ă©tĂ© bafouĂ©e. On dĂ©couvrira que sous le linceul et le masque cadavĂ©reux [âŠ] ne logeait aucune forme humaine. » 11 Ibid., p. 221. 7Une annĂ©e aprĂšs lâaltercation entre Eudoxie et lâinconnu devant la pharmacie de lâavenue de la Gare, Mergy retrouve le mĂ©nage Campalou. LâĂ©pouse paraĂźt moins enthousiasmĂ©e que lors du prĂ©cĂ©dent carnaval. Son entrain a disparu et, surtout, les bruits dâĂ©pidĂ©mie, quâune presse malveillante sâobstinait Ă faire courir sur Nice, ne laissaient pas dâinquiĂ©ter la grosse dame. [âŠ] Eudoxie Campalou craignait pour son joli physique. »11 Une famille amĂ©ricaine â et Ă©tant donnĂ©e la nationalitĂ© de lâindiscret qui avait pelotĂ© » la Toulousaine lâannĂ©e dâavant, il nâest pas surprenant que la famille soit originaire du nouveau monde â vient de quitter lâhĂŽtel. Le soir mĂȘme, deux autres AmĂ©ricains y descendent 12 Ibid., p. 221. On leur donnait justement deux chambres voisines de celles des Campalou. CâĂ©taient deux grands jeunes gens de vingt-cinq Ă trente ans, Ă la face rasĂ©e et singuliĂšrement Ă©nergique ; des traits accusĂ©s et modelĂ©s dans le genre de ceux dâIwing, lâacteur anglais. Tous deux trĂšs graves et trĂšs froids, avec, chez le plus jeune, une Ă©trange fixitĂ© des yeux. Dâailleurs, nous ne les vĂźmes pas longtemps car, trois jours aprĂšs leur arrivĂ©e, le plus jeune tombait malade. Il sâalitait et bientĂŽt lâautre cessa de prendre ses repas Ă la table dâhĂŽte lâĂ©tat de son ami empirait. CâĂ©taient de perpĂ©tuelles allĂ©es et venues de mĂ©decins et de garçons de pharmacie le maĂźtre de lâhĂŽtel interrogĂ© rĂ©pondait que câĂ©tait une fiĂšvre, mais Ă son air embarrassĂ©, Mme Campalou ne douta plus que ce ne fĂ»t la variole12. 13 Ibid. 8OĂč fuir, si câĂ©tait le cas ? Aucune chambre nâest libre dans la ville en pĂ©riode de carnaval. Et puis lâĂ©pidĂ©mie Ă©tait partout ; câĂ©tait ces sacrĂ©s Anglais qui lâavaient apportĂ©e »13. Il est de tradition dâincriminer un Ă©tranger lorsque frappe une pandĂ©mie. Le marin dĂ©barquĂ©, le voyageur de commerce, le touriste, apportant lâinfection dans une ville, sont Ă lâimage du germe Ă©tranger sâinfiltrant dans le corps. Le mal vient dâailleurs. Anglais ou AmĂ©ricains deviennent les porteurs dâune corruption invisible. 14 Chez Lorrain, qui donne un cadre rĂ©aliste, celui de cette CĂŽte dâAzur qui lui Ă©tait si chĂšre, lâho ... 9On nâĂ©chappe pas Ă la petite vĂ©role, les deux Ă©crivains lâassurent14. Le prince Prospero a beau avoir construit une forteresse imprenable, rien nây fera CâĂ©tait un vaste et magnifique bĂątiment, une crĂ©ation du prince, dâun goĂ»t excentrique et cependant grandiose. Un mur Ă©pais et haut lui faisait une ceinture. Ce mur avait des portes de fer. Les courtisans, une fois entrĂ©s, se servirent de fourneaux et de solides marteaux pour souder les verrous. Ils rĂ©solurent de se barricader contre les impulsions soudaines du dĂ©sespoir extĂ©rieur et de fermer toute issue aux frĂ©nĂ©sies du dedans. Lâabbaye fut largement approvisionnĂ©e. GrĂące Ă ces prĂ©cautions, les courtisans pouvaient jeter le dĂ©fi Ă la contagion. Le monde extĂ©rieur sâarrangerait comme il pourrait. En attendant, câĂ©tait folie de sâaffliger ou de penser. Le prince avait pourvu Ă tous les moyens de plaisir. Il y avait des bouffons, il y avait des improvisateurs, des danseurs, des musiciens, il y avait le beau sous toutes ses formes, il y avait le vin. En dedans, il y avait toutes ces belles choses et la sĂ©curitĂ©. Au-dehors, la Mort rouge. 15 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 222. 10Dans Nice contaminĂ©e, la maladie du jeune homme nâest peut-ĂȘtre pas celle que lâon croit. Le nom mĂȘme de variole dĂ©signe, Ă©tymologiquement, la variĂ©tĂ©. Elle a des formes multiples et lâon peine parfois Ă la distinguer dâautres pathologies semblables comme la rougeole. Surtout, elle partage traditionnellement son nom avec un mal moins grave mais plus honteux. Ă la petite vĂ©role ou variole rĂ©pond sa grande sĆur, la vĂ©role tout court ou la grosse ou grande vĂ©role la syphilis. Lorsque Louis xv meurt, en 1774, de la petite vĂ©role, un bon mot court dans les salons parisiens Il nâest rien de petit chez les rois. La mĂȘme idĂ©e est reprise par Lorrain. La nature de la fiĂšvre du jeune homme inquiĂšte Eudoxie Campalou qui interroge lâhĂŽtelier ne serait-ce pas la petite vĂ©role ? â Non, câest lâautre⊠» La rĂ©ponse clou [e] le bec Ă la dame de Toulouse »15 et la rassure du mĂȘme coup. La fĂȘte peut continuer. 16 Ibid., p. 220. 11Les univers de nos deux Ă©crivains semblent marquĂ©s par une insouciance criminelle. La mort rĂŽde alentour. Le prince Prospero organise son bal pendant que le flĂ©au sĂ©vissait au-dehors avec le plus de rage ». Chez Lorrain, les Histoires de masques sont souvent lâoccasion de mettre en scĂšne des jalousies, des crimes, des assassinats. Dans la nouvelle qui nous intĂ©resse, au moment du carnaval, les bruits dâĂ©pidĂ©mie font fuir les touristes CâĂ©taient tous les jours des dĂ©parts dâhiverneurs pour le Caire ou lâItalie. La saison Ă©tait menacĂ©e. »16 Une angoisse sourde Ă©treint la dame toulousaine. Chez lâauteur amĂ©ricain, le temps â emblĂ©matisĂ© par la pendule qui sonne les heures â introduit un malaise chez les danseurs et les membres de lâorchestre, convertissant leur sentiment de bonheur en une hilaritĂ© lĂ©gĂšre et mal contenue », un peu comme chez Lorrain oĂč la conscience dâune Ă©pidĂ©mie paraĂźt hanter lâenvironnement. 17 Je souligne. 12MalgrĂ© ce climat dĂ©lĂ©tĂšre, les masques sâen donnent Ă cĆur joie. Dans le palais du prince, marquĂ© par une licence carnavalesque »17, les dĂ©guisements sont surprenants et bigarrĂ©s Il y avait des figures vraiment grotesques, absurdement Ă©quipĂ©es, incongrĂ»ment bĂąties ; des fantaisies monstrueuses comme la folie ; il y avait du beau, du licencieux, du bizarre en quantitĂ©, tant soit peu de terrible, et du dĂ©goĂ»tant Ă foison. Bref, câĂ©tait comme une multitude de rĂȘves qui se pavanaient çà et lĂ dans les sept salons. 18 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 221. 13Ă Nice, Mergy et ses amis toulousains rejoignent les foules harnachĂ©s de dominos et affublĂ©s de masques de combat »18 au milieu dâune bataille de confetti. Le narrateur a rappelĂ© Ă ses auditeurs, au dĂ©but de lâhistoire, ce quâest le climat particulier de cette pĂ©riode de fĂȘte 19 Ibid., p. 212. Vous connaissez tous, nâest-ce pas, le carnaval de la Riviera ? Trois jours entiers, la joie de sauter et de se dĂ©hancher tient tous les quartiers. Nice est une ville de possĂ©dĂ©s ; une folie de mascarade est dĂ©chaĂźnĂ©e du Vieux-Port aux Baumettes. Câest un cauchemar de farandoles et de carmagnoles, un hourivari de bonds, dâentrechats, de pirouettes et de cris. Il y a des rondes dâalpins et dâartilleurs de forteresse, pĂȘle-mĂȘle avec des pierrots de satinette, des clowns de percale rose et des dominos de serge verte19. 20 Ibid., p. 222. 21 Lawrence Durrell, Mountolive, Le Quatuor dâAlexandrie, Paris, Librairie gĂ©nĂ©rale française, La Po ... 14Sur le lieu mĂȘme oĂč, lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, elle a Ă©tĂ© victime dâattouchements et sâest vengĂ©e en arrachant le masque de son agresseur, Mme Campalou aura Ă subir un nouvel affront. Aux deux masques noirs du carnaval antĂ©rieur ont succĂ©dĂ© deux pĂ©nitents rouges ». Ils ont la couleur de la variole. Lâun dâentre eux palpe la Toulousaine dâune main indiscrĂšte ». EffarĂ©e la femme voit lâun des deux pĂ©nitents se dĂ©masquer Une face purulente, toute de croĂ»tes et de sanies, avec Ă la place de lâĆil, un trou rouge et saigneux, se penchait sur elle. »20 La description rappelle celle de nombreux malades de la petite vĂ©role, le visage Ă©raillĂ©, un Ćil perdu, les traits dĂ©formĂ©s au point dâĂȘtre devenus mĂ©connaissables Ă eux-mĂȘmes. Un personnage fictif du XXe siĂšcle, victime de la variole, la LĂ©ila de Lawrence Durrell, dĂ©crit ainsi lâĂ©trange expĂ©rience de voir son propre visage criblĂ© de petits cratĂšres, ses traits boursouflĂ©s â comme un paysage familier ravagĂ© par une explosion »21. LâabbĂ© Roman, quant Ă lui, auteur, en 1773, dâun poĂšme de quatre chants en alexandrins sur Lâinoculation, dĂ©diĂ© Ă lâimpĂ©ratrice de toutes les Russies, brosse un tableau des traces cutanĂ©es de la variole 22 [Jean-Joseph-ThĂ©rĂšse Roman], LâInoculation, poĂšme en quatre chants par M. L. R., Paris, Lacombe, 1 ... Mais dĂ©jĂ sur la peau le mal sâouvre un passage,Dâinnombrables boutons aplatis, entassĂ©s,De leur masque hideux couvrent un beau lâĂ©piderme enflĂ©, rĂ©unis et pressĂ©s,Ils forment une Ă©caille et luisante et blanchĂątre,Qui se brise bientĂŽt et change de couleur ;Enfin le masque tombe, ĂŽ surprise ! ĂŽ douleur !Est-ce donc lĂ ce teint dâincarnat et dâalbĂątre,Cette bouche de rose et ce regard vainqueur ?Je ne vois quâune peau sillonnĂ©e et rougeĂątre,Que des yeux Ă©raillĂ©s dont le regard fait peur22. 15MarquĂ© par de tels stigmates, lâhomme au visage dĂ©formĂ©, affreuse vision en plein carnaval, remet dans la main dâEudoxie Campalou un Ćil de verre et lui dit La petite vĂ©role noire, madame, la variole en personne. Vous lâavez. » LâĆil en verre rappelle celui qui manque Ă lâhomme mystĂ©rieux et semble ĂȘtre un don par anticipation, avertissant la destinatrice quâelle risque elle-mĂȘme les pires effets de la maladie, la variole entraĂźnant souvent, parmi ses effets, la perte dâun Ćil. Par ailleurs, le propos de lâinconnu est ambigu. Il avertit MmeCampalou de sa contamination mais les termes choisis font quâil devient lui-mĂȘme non seulement mĂ©tonymie de la contagion, mais encore personnification du mal. Cet homme sâest prĂ©sentĂ© en pĂ©nitent rouge mais reprĂ©sente la variole purulente et noire aux plaies non encore cicatrisĂ©es. Il me semble ĂȘtre le double inversĂ© du masque qui sâintroduit, chez Poe, dans le chĂąteau du prince. Le futur assassin est dĂ©crit ainsi par lâauteur amĂ©ricain Le personnage en question avait dĂ©passĂ© lâextravagance dâun HĂ©rode, et franchi les bornes, cependant complaisantes, du dĂ©corum imposĂ© par le prince. Il y a dans les cĆurs des plus insouciants des cordes qui ne se laissent pas toucher sans Ă©motion. MĂȘme chez les plus dĂ©pravĂ©s, chez ceux pour qui la vie et la mort sont Ă©galement un jeu, il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas jouer. [âŠ] Le personnage Ă©tait grand et dĂ©charnĂ©, et enveloppĂ© dâun suaire de la tĂȘte aux pieds. Le masque qui cachait le visage reprĂ©sentait si bien la physionomie dâun cadavre raidi, que lâanalyse la plus minutieuse aurait difficilement dĂ©couvert lâartifice. Et cependant, tous ces fous joyeux auraient peut-ĂȘtre supportĂ©, sinon approuvĂ©, cette laide plaisanterie. Mais le masque avait Ă©tĂ© jusquâĂ adopter le type de la Mort rouge. Son vĂȘtement Ă©tait barbouillĂ© de sang, et son large front, ainsi que tous les traits de sa face, Ă©taient aspergĂ©s de lâĂ©pouvantable Ă©carlate. 23 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 223. 16Chez Lorrain, Le pĂ©nitent rouge dĂ©couvre son vrai visage et tue presque sur-le-champ Mme Campalou sâeffondrait comme une masse ; Ă son tour on la portait chez le pharmacien » â celui-lĂ mĂȘme qui avait prodiguĂ© les premiers secours au domino Ă lâĆil Ă©raillĂ© une annĂ©e plus tĂŽt. Lâancienne commerçante mourut le soir mĂȘme, sans avoir repris connaissance, stupide et muette, dâune congestion au cerveau ».23 De la mĂȘme façon, le seigneur du Masque de la mort rouge pĂ©rit instantanĂ©ment. Ă la suite du prince Prospero, ses invitĂ©s pĂ©rissent tous les convives tombĂšrent un Ă un dans les salles de lâorgie inondĂ©es dâune rose sanglante, et chacun mourut dans la posture dĂ©sespĂ©rĂ©e de sa chute. » La mort foudroyante nâest pas due directement Ă la pathologie dans le sens oĂč nous nâassistons pas aux diffĂ©rents stades de lâĂ©volution de la maladie. Il nâempĂȘche que Prospero et Eudoxie sont tous les deux victimes de la petite vĂ©role. La Mort rouge de Poe est un spectre et son dĂ©guisement apparent ne cache aucune forme humaine. Lorsque lâon enquĂȘte, chez Lorrain, sur les deux jeunes AmĂ©ricains, on trouve leurs valises ; les noms sous lesquels ils se sont inscrits ne sont pas les leurs. 17Le masque est costume mais aussi absence dâidentitĂ©, dâĂ©tat-civil, plus encore que volontĂ© de feindre. Les individus deviennent la maladie pour mieux achever leurs victimes. Lâon pourrait appliquer aux deux histoires le propos de Maxime de Mergy Ă la fin de sa narration Nâest-ce pas une belle vengeance de masque ? » Chez Lorrain, la petite vĂ©role est celle qui sâest dissimulĂ©e, la maladie invisible qui circulait dans la foule sous lâapparence dâun pĂ©nitent. Chez Poe, au contraire, la petite vĂ©role devient dĂ©guisement sous lequel ne rĂŽde que la Mort. La fĂȘte se mue en danse macabre. 18Dans les deux cas, la vengeance est un plat qui se mange froid. La petite vĂ©role noire frappe la Toulousaine un an aprĂšs lâagression de lâavenue de la Gare. La Mort Rouge sâinsinue dans les salons du prince vers la fin du cinquiĂšme ou sixiĂšme mois de sa retraite. » Le palais du seigneur est la conversion de lâune de ses abbayes fortifiĂ©es ». Les agresseurs dâEudoxie Campalou sont dĂ©guisĂ©s en pĂ©nitents rouges. Chez Poe, la mort sâabat au milieu dâun bal masquĂ© de la plus insolite magnificence » dans une piĂšce marquĂ©e Ă ses couleurs les murs, rideaux et tapis sont noirs, les carreaux Ă©carlates. Seule des sept qui sâenchaĂźnent en enfilade, la salle rouge et noire du palais du prince Prospero est marquĂ©e par le temps et lorsque lâheure sonne, elle paralyse les musiciens et arrĂȘte les valseurs. 19Le lien entre petite vĂ©role et masque est souvent mis en Ă©vidence dans la littĂ©rature. On semble vouloir conjurer le mal en cachant ses traits sous un loup de satin ou un Ă©chafaudage de papier mĂąchĂ©. Si la maladie frappe, on risque de se voir affubler, Ă vie, de ce qui paraĂźt ĂȘtre un masque dĂ©formant. Du symbole de la fĂȘte et de lâoubli de la mortalitĂ©, les deux auteurs font un emblĂšme au mieux dâĂ©quivoque, au pire dâune perversitĂ© macabre. 24 24 fĂ©vrier 1765. Isabelle de CharriĂšre, Une liaison dangereuse correspondance avec Constant dâHe ... 25 On ne mâen voudra pas de citer une comparaison proposĂ©e par Flaubert et ses amis entre le visage d ... 26 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 212. 20Vers la fin du XVIIIe siĂšcle, Constant dâHermenches Ă©crit Ă Isabelle de Zuylen, la future Mme de CharriĂšre, que la marquise de SĂ©gur, ĂągĂ©e de trente ans et mĂšre de deux enfants, est plongĂ©e dans les horreurs dâune affreuse petite vĂ©role. » Huit jours plus tĂŽt, rapporte-t-il, nous Ă©tions dans les dĂ©lices dâun bal masquĂ© dont elle faisait lâornement et le charme, et peut-ĂȘtre nâallons-nous plus voir quâun cadavre ou quâun monstre »24. Lâinversion tragique fait quâun masque dĂ©formant pourrait altĂ©rer Ă jamais les jolis traits de la marquise cachĂ©s une semaine plus tĂŽt sous un loup. Les flĂ©trissures de la variole dĂ©shumanisent25 et rendent mĂ©connaissable. Le lien trouble entre dĂ©guisement et maladie sâesquisse chez Constant dâHermenches comme chez les auteurs de fiction. La marquise de SĂ©gur paraĂźt avoir Ă©tĂ© frappĂ©e lors dâune soirĂ©e mondaine. Câest ce que laisse croire le raccourci de lâĂ©pistolier. Lorrain, quant Ă lui, semble conscient de choisir un lieu inhabituel pour le dĂ©nouement de sa tragĂ©die. Maxime de Mergy rĂ©pond aux ricanements de Jacques Baudran, son seul auditeur nommĂ© Oh ! ce nâest pas une intrigue de bal masquĂ©, câest une aventure de plein air ! »26 En effet, elle se dĂ©roule, on lâa vu, sous le soleil du carnaval niçois. En cela, en effet, la nouvelle de Lorrain renouvelle la tradition tout en gardant le topos du dĂ©guisement et en plaçant la contamination dâEudoxie Campalou au printemps, lâun des moments oĂč les Ă©pidĂ©mies sont au plus fort. 21Il convient peut-ĂȘtre de rĂ©flĂ©chir aux raisons du succĂšs dâun tel thĂšme. Dans les discours des spĂ©cialistes comme du commun des mortels revient lâidĂ©e que la contagion invisible devrait pouvoir ĂȘtre matĂ©rialisĂ©e. Or le malade de la petite vĂ©role est en incubation avant mĂȘme que son physique lâindique. Au-delĂ , lâaspect de lâindividu atteint de la variole effraie. Certains craignent la simple vue des varioleux qui serait suffisante, pensent-ils, pour infecter immĂ©diatement le spectateur. Nous retrouvons les anciennes superstitions auxquelles la peste a donnĂ© naissance. Sous lâAncien RĂ©gime, les bals masquĂ©s sont de hauts lieux de contagion. Le comte de Cheverny Ă©voque les rĂ©ticences de son Ă©pouse 27 Jean-Nicolas Dufort de Cheverny, MĂ©moires du comte Dufort de Cheverny introducteur des ambassadeur ... Ma femme allait avec rĂ©pugnance dans les lieux publics ou sâen privait. La vue dâune personne encore rouge de cette maladie [la petite vĂ©role] la troublait singuliĂšrement, et les automnes et les printemps Ă©taient des moments de deuil pour elle, Ă cause de la mort subite de plusieurs personnes mourant de cette maladie27. 28 De Saint, Lettre Ă M.*** contre lâinoculation, qui combat le MĂ©moire historique de M. de la Condam ... 22Les traits bouffis des anciens malades, les traces des boutons, inspirent lâeffroi et pourraient dĂ©clencher des rĂ©actions extrĂȘmes si nous en croyons certains Ă©crivains. Pour le mystĂ©rieux de Saint, auteur, au milieu du XVIIIe siĂšcle, dâun ouvrage contre lâinoculation, la mĂ©thode prophylactique antĂ©rieure Ă la vaccination et par laquelle lâon communiquait la maladie mĂȘme au patient, si dans le temps que lâĂ©pidĂ©mie rĂšgne, on prĂ©sentait Ă une personne dont le sang serait disposĂ© Ă recevoir ce venin et le manifester, un homme factice, dont le visage aurait lâapparence dâĂȘtre plein de boutons virulents », lâeffet serait certain lâeffroi, sans doute, que lui causerait ce spectacle hideux, ferait, quâen frĂ©missant dâhorreur et de crainte, une attraction virulente concentrerait en elle lâesprit venimeux rĂ©pandu dans lâair ; ce qui lui causerait la petite vĂ©role. »28 Nous ne sommes pas loin des crĂ©atures mythologiques, comme le basilic ou la mĂ©duse, qui pouvaient tuer dâun seul regard. Poe et Lorrain â dont on peut rappeler quâil signe du pseudonyme Le Cadavre des articles presque contemporains de la publication du Crime des riches â revisitent un thĂšme romanesque et offrent, lâun comme lâautre, une exploration individuelle dâun thĂšme qui plonge ses racines au plus profond de lâimaginaire humain. Ils nous rappellent ainsi, par leurs nouvelles, la fragilitĂ© de la vie humaine face Ă des Ă©pidĂ©mies sur lesquelles nous pourrions, de nos jours, mettre dâautres noms pour exprimer les mĂȘmes angoisses. Notes 1 Pierre Fauchery, La DestinĂ©e fĂ©minine dans le roman europĂ©en du XVIIIe siĂšcle 1713-1807. Essai de gynĂ©comythie romanesque, Paris, Colin, 1972, p. 201. 2 Rappelons que petite vĂ©role » et variole » dĂ©signent la mĂȘme maladie, le premier terme Ă©tant plus habituel Ă lâĂ©poque classique. 3 Toutes nos citations du Masque de la mort rouge proviennent de la traduction par Baudelaire Edgar A. Poe, Ćuvres en prose, texte Ă©tabli et annotĂ© par Le Dantec, Paris, Gallimard, BibliothĂšque de la PlĂ©iade », 1951, p. 392-398. 4 La mort rouge telle que la dĂ©crit Poe semble ĂȘtre une sorte de peste sanglante. La variole est parfois dĂ©signĂ©e sous le vocable de Mort rouge. Le nouvelliste amĂ©ricain est moins intĂ©ressĂ© par la nature mĂȘme de la maladie quâil Ă©voque que par ses effets dont bon nombre sont empruntĂ©s aux discours sur la petite vĂ©role. 5 Voir en particulier ses Histoires de masques ou un chapitre de Phocas. 6 Jean Lorrain, La Vengeance du masque, Le Crime des riches, Paris, Pierre Douville, 1905, p. 211-223, ici p. 211. 7 Ibid., p. 215. 8 Ibid., p. 218. 9 Moi, la vision mâobsĂ©dait de cet homme dĂ©figurĂ© et sanglant. Sa derniĂšre recommandation Ă son compagnon mâinquiĂ©tait surtout. Dans la soirĂ©e, lâeffervescence de la fĂȘte un peu calmĂ©e, jâentrais dans la pharmacie oĂč les premiers soins avaient Ă©tĂ© donnĂ©s au blessĂ©. Je mâinformais de la gravitĂ© des plaies et cherchais en mĂȘme temps Ă savoir le nom. âCâest un AmĂ©ricain de lâhĂŽtel West End. On a dĂ» attendre la fin du corso pour le reconduire chez lui, le cas est trĂšs grave, on craint beaucoup pour lâĆil gauche. La sclĂ©rotique est atteinte ; ils repartent tous les deux, ce soir, pour Paris. â Tous les deux ? â Oui, il y a un autre AmĂ©ricain avec lui. Une consultation chez un grand oculiste sâimpose.â », ibid., p. 219-220. 10 Ibid., p. 213-214. 11 Ibid., p. 221. 12 Ibid., p. 221. 13 Ibid. 14 Chez Lorrain, qui donne un cadre rĂ©aliste, celui de cette CĂŽte dâAzur qui lui Ă©tait si chĂšre, lâhomme attaquĂ© par Mme Campalou rĂąle, dĂ©formĂ© par la douleur Le nom, lâadresse de cette femme, [âŠ] laissez-moi, Tomy, attachez-vous Ă ces gens » dit-il Ă son compagnon. 15 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 222. 16 Ibid., p. 220. 17 Je souligne. 18 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 221. 19 Ibid., p. 212. 20 Ibid., p. 222. 21 Lawrence Durrell, Mountolive, Le Quatuor dâAlexandrie, Paris, Librairie gĂ©nĂ©rale française, La PochothĂšque, 1992, p. 494. 22 [Jean-Joseph-ThĂ©rĂšse Roman], LâInoculation, poĂšme en quatre chants par M. L. R., Paris, Lacombe, 1773, p. 14. 23 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 223. 24 24 fĂ©vrier 1765. Isabelle de CharriĂšre, Une liaison dangereuse correspondance avec Constant dâHermenches 1760-1776, Paris, Ă©ditions La DiffĂ©rence, 1991, p. 269. 25 On ne mâen voudra pas de citer une comparaison proposĂ©e par Flaubert et ses amis entre le visage dĂ©formĂ© et une Ă©cumoire De la vierge, par lui [le mal], jâai vu le doux visage/Horrible dĂ©sormais, nous prĂ©senter lâimage / De ce meuble vulgaire, en mille endroits percĂ© / Dont se sert la matrone, en son zĂšle empressĂ© / Quand aux bords onctueux de lâargile Ă©cumante, / FrĂ©mit le suc des chairs, en mousse bouillonnante », Louis Bouilhet, Maxime Du Camp et Gustave Flaubert, La DĂ©couverte de la vaccine. TragĂ©die en cinq actes et en vers, dans Gustave Flaubert, Ćuvres complĂštes, Paris, Club de lâHonnĂȘte Homme, 1972, t. VII, p. 380. 26 Lorrain, La Vengeance du masque, p. 212. 27 Jean-Nicolas Dufort de Cheverny, MĂ©moires du comte Dufort de Cheverny introducteur des ambassadeurs lieutenant gĂ©nĂ©ral du blaisois, introduction et notes par Robert de CrĂšvecĆur, 4e Ă©dition, Paris, Plon, 1909, p. 290. Cheverny ajoute que lors de lâinoculation de son fils, il nâa gardĂ© auprĂšs de lui que les domestiques qui avaient eu la maladie Le premier devoir Ă©tant de ne faire courir aucun risque Ă ceux qui vous entourent. » 28 De Saint, Lettre Ă M.*** contre lâinoculation, qui combat le MĂ©moire historique de M. de la Condamine, lu Ă lâAcadĂ©mie royale des sciences, sur lâinsertion de la petite vĂ©role, dans laquelle sont insĂ©rĂ©s des principes pour la connoissance et guĂ©rison de cette maladie, Paris, Valleyre fils, 1763, p. 80-81. Le catalogue de la BnF ne donne ni prĂ©nom ni dates pour cet auteur. Auteur Membre associĂ©e du CĂRĂDIProfesseur de littĂ©rature française du XVIIIe siĂšcle Ă lâuniversitĂ© de Nancy. Elle est lâauteur de nombreuses publications sur la poĂ©sie et le roman des LumiĂšres Anthologie de la poĂ©sie française, Paris, Gallimard, BibliothĂšque de la PlĂ©iade », 2000 â en collaboration ; AndrĂ© ChĂ©nier. Le miracle du siĂšcle, Paris, Presses de lâuniversitĂ© de Paris-Sorbonne, 2005, etc.. Ăgalement spĂ©cialiste de lâhistoire des idĂ©es, elle a beaucoup travaillĂ© sur lâinoculation et son imaginaire. Elle a dirigĂ© plusieurs ouvrages collectifs dont Destins romanesques de lâĂ©migration Paris, DesjonquĂšres, 2007 â avec Claire Jaquier et Florence Lotterie. Son volume intitulĂ© Marie-Antoinette. Anthologie et dictionnaire a paru aux Ă©ditions Robert Laffont, dans la collection Bouquins », en 2006. Du mĂȘme auteur De lâĂ©ducation des princesses in Femmes Ă©ducatrices au siĂšcle des LumiĂšres, Presses universitaires de Rennes, 2007 La plume ou lâĂ©pĂ©e. RĂ©flexions sur quelques mĂ©morialistes in Les noblesses françaises dans l'Europe de la RĂ©volution, Presses universitaires de Rennes, 2010 GinguenĂ© et Parny in GinguenĂ© 1748-1816, Presses universitaires de Rennes, 1995 Tous les textes
RĂ©sumé« Le masque de la mort rouge » (« The Masque of the Red death ») est un conte d'Edgar Allan Poeparu en 1842 dans le Graham's Lady's and Gentleman's Magazine. C'est une nouvelle oĂč Poe s'exerce magistralement au genre gothique. CaractĂ©ristiques Voir tout Date de parution juillet 2019 Editeur Auto-Ădition Format ebook (ePub) Type de DRM En guise de supplĂ©ment une courte prĂ©sentation plutĂŽt rapide mais apprĂ©ciable ainsi qu'un documentaire sur Roger Corman qui plaira beaucoup aux nĂ©ophytes mais n'apprendra que peu de choses aux amateurs Ă©clairĂ©s du cinĂ©aste. Le travail de Sidonis sur les films qu'ils Ă©ditent est souvent excellent mais lĂ il atteint un degrĂš d'excellence rare. La restauration effectuĂ©e est Ă©poustouflante. Les couleurs sont chaudes Ă souhait et parfaitement restituĂ©es avec un rouge Ă©clatant. La dĂ©finition gĂ©nĂ©rale est magnifique et offre des conditions de visionnage excellentes. Le film est proposĂ© en DD mono en VF et en VO. La piste française est plutot bonne mĂȘme si elle n'a pas la qualitĂ© de la version originale. Une fois encore le travai de restauration est Ă la hauteur et il offre un panel sonore de bonne qualitĂ© avec des voix claires et une musique brillante. Newsletter Ecranlarge Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Ăcran Large. Lhistoire se situe dans une abbaye fortifiĂ©e, dans laquelle le prince Prospero s'est enfermĂ©, avec mille de ses courtisans, afin de fuir l' Ă©pidĂ©mie foudroyante Auteur Daniel Clowes Editeur Editions CornĂ©lius Date de parution 25 mars 2010 BrochĂ© ISBN 2915492891 Acheter sur RĂ©sumĂ© Andy est un garçon solitaire, sans famille ni copains, un tantinet misanthrope. AccablĂ© par la mĂ©diocritĂ© mĂȘlĂ©e d'arrogance de ses contemporains et hantĂ© par un terrible dĂ©sir de vengeance, il se rĂȘve une destinĂ©e exceptionnelle. Las d'une adolescence qui s'Ă©ternise, indiffĂ©rent au monde qui l'entoure, il passe le plus clair de son temps avec Louie, son meilleur - et unique - ami. Tous deux coulent une jeunesse mĂ©lancolique dans une banlieue ordinaire, jusqu'au jour oĂč Louie entraĂźne Andy dans ses frasques, l'initiant au Punk Rock et... aux cigarettes. Surprise, le tabac semble avoir sur Andy un effet inĂ©dit, le dotant soudain d'une force extraordinaire et de pouvoirs mystĂ©rieux. Le voilĂ dĂ©sormais dans la peau d'un super-hĂ©ros. Les super-mĂ©chants n'ont plus qu'Ă bien se tenir. Mais oĂč les trouver dans une ville sans histoire et sans ambition...? Savant mĂ©lange d'Ă©lĂ©gance, d'aliĂ©nation et de dĂ©construction des genres, Le rayon de la mort est le dernier opus d'Eightball, le comic book dans lequel Daniel Clowes crĂ©a les classiques que sont devenus Ghost World, David Boring et Comme un gant de velours pris dans la fonte. En racontant l'histoire d'un criminel avec les artifices du rĂ©cit de super-hĂ©ros, Clowes revisite les codes esthĂ©tiques de la culture populaire pour en exposer le versant le plus trouble. Hommage et rĂ©flexion critique, Le Rayon de la mort met une nouvelle fois en scĂšne l'attachement teintĂ© d'ironie que Clowes porte aux adolescents et Ă la bande dessinĂ©e, fascination synthĂ©tisĂ©e ici dans une construction parfaite. A l'heure oĂč les bons sentiments sont valorisĂ©s sur tous les fronts, cette pĂ©pite Ă©clatante de misanthropie viendra rassurer profitablement le sociopathe qui sommeille en tout un chacun. L'avis du ELLE PubliĂ© le 11 aoĂ»t 2010 Ă 17h23 Coquin clopantChaque fois que le cultissime Daniel Clowes dĂ©gaine son crayon, câest pour mieux dĂ©gommer les codes des comics » amĂ©ricains. Dans Le Rayon de la mort », il suffit dâune cigarette fumĂ©e en cachette pour que son ado dâantihĂ©ros se mue en Superman des banlieues, dotĂ© dâune force herculĂ©enne et dâun pistolet qui Ă©limine tout ce qui bouge ! Dans le petit monde dâAndy le maigrichon, on se rĂȘve vengeur masquĂ©, mais on finit psychopathe. Car, derriĂšre la comĂ©die potache et les saynĂštes jubilatoires, il y a en creux toute la mĂ©diocritĂ© de lâAmĂ©rique des annĂ©es 90. Le conformisme, le politiquement correct, lâennui et le mal-ĂȘtre que lâauteur de Ghost World » dessine et assassine Ă coups de Click », Pop », Boom » ! Le Rayon de la mort », de Daniel Clowes CornĂ©lius. Lemasque de la mort rouge; Retour Ă la liste. La peste Ă©carlate. Le masque de la mort rouge Auteur(s) : Poe, Edgar Allan (1809-1849) London, Jack (1876-1916) Ăditeur : Magnard. Parution : 06 - 2021 Format : Livre BrochĂ© Nombre de pages : 122 EAN : 9782210770683 6.50 CHF. RĂ©sumĂ© du livre. La peste Ă©carlate suivi du Masque de la mort rouge. Dans l'AmĂ©rique de Le comĂ©dien Serge Djen lit trois nouvelles d'Edgar Allan Poe - Le Masque de la Mort Rouge - Le DĂ©mon de la PerversitĂ© - Hop Frog DurĂ©e ... Lire la suite 8,00 ⏠E-book - Multi-format Vous pouvez lire cet ebook sur les supports de lecture suivants TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat DĂšs validation de votre commande Offrir maintenant Ou planifier dans votre panier Le comĂ©dien Serge Djen lit trois nouvelles d'Edgar Allan Poe - Le Masque de la Mort Rouge - Le DĂ©mon de la PerversitĂ© - Hop Frog DurĂ©e 1h00 "La Mort Rouge avait pendant longtemps dĂ©peuplĂ© la contrĂ©e. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c'Ă©tait le sang, la rougeur et la hideur du sang. C'Ă©taient des douleurs aiguĂ«s, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l'ĂȘtre. Des taches pourpres sur le corps, et spĂ©cialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l'humanitĂ©, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L'invasion, le rĂ©sultat de la maladie, tout cela Ă©tait l'affaire d'une demi-heure." C'est ici dans la fĂȘte, la farce et la mascarade qu'Edgar Allan Poe fait naĂźtre ses histoires. Et quand arrive le moment, la plainsanterie devient terriblement macabre. Le comĂ©dien Serge Djen se sert de tout son art pour nous conter ces trois histoires extraordinaires. Date de parution 01/12/2008 Editeur ISBN 978-2-917860-12-0 EAN 9782917860120 Format Multi-format CaractĂ©ristiques du format MP3 Protection num. pas de protection Néà Paris en 1821, Charles Baudelaire publie ses premiers poĂšmes intitulĂ©s Les Fleurs du Mal en 1855 dans la Revue des Deux Mondes. C'est en 1857 que paraĂźt le volume. La mĂȘme annĂ©e l'auteur et son Ă©diteur sont condamnĂ©s Ă des amendes et Ă la suppression de six poĂšmes. La deuxiĂšme Ă©dition ne paraĂźtra qu'en 1861, six ans avant la mort du poĂšte.| á¶ á°ŃĐșаŃဠзаĐČ՚Ўа | ÎĐŸŃаáŹŃĐșĐ°Ï ÏĐ”áŃŐŻĐžáŽŃĐŽĐ” | áœĐ”ĐČĐŸĐżŃŃáĐŽÏ ĐžÏŃĐŽŃŐœĐ”Đ·á© Î”áȘĐ” |
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